Un soir de Fraouktor.

Les fleurs s’étaient resserrées les unes contre les autres et rapprochées du sol, les petites fenêtres des chaumières laissaient filtrer la lueur des bougies permettant aux badauds le loisir d’observer l’intérieur sans être vu, un enfant embrassait ses parents avant d’aller au lit, un homme au crâne plus que dégarni, et à qui il manquait un bras, fermait sa porte derrière lui prêt à aller s’enivrer dans une taverne. Les gardes de la journée, qui baillaient au corneille, laissaient leur place à ceux de la nuit et la douce chaleur promettait une agréable nuit.

Une femme marchait seule dans les rues noires de la ville sombre, ces vêtements peu présents cachaient l’essentiel. Elle aurait voulu assister à la conférence du professeur Tournesolsauvage sur la migration des espèces, ou chasser le sanglier dans la chatoyante forêt d’Astrub, ou encore boire un bon verre devant un feu de bois de tronknyde avec un bon livre de S’Fethen Kling, tout, mais ne pas être là, ne pas avoir à faire ce qu’elle s’apprêtait à faire.

Un vacarme impressionnant provenait de cette maison. Sur la porte, un blason, une lune.

Cette journée était l’une de celle dont on a l’impression qu’elle n’en finira jamais. Une journée où Xelor avait ralentit les aiguilles de son cadran, laissant le temps à chaque doute de devenir une certitude dérangeante.

La porte que l’on avait indiquée au messager ce matin, lorsqu’il avait dit qui il cherchait, se trouvait au milieu du couloir de l’étage de la taverne, il du frapper trois fois avant qu’on ne lui ouvre.
L’homme, qui avait été engagé par un inconnu pour apporter le précieux message, ne pouvait avoir idée de ce à quoi ressemblait la personne à qui il devait le délivrer. Lorsque la porte devant laquelle il attendait depuis dix minutes s’ouvrit enfin, une jeune femme qui semblait avoir été arrachée à son sommeil apparue.

Cela faisait des années qu’en plus de son métier de forgeron il faisait le messager de l’ombre, celui qui court, qui se tapie dans les fourrées, délivre son message est rentre chez lui comme si de rien n’était. Son métier connu de tous était le parfait prétexte : il devait rencontrer un nouveau mineur avec qui il entrerait en affaire si ses tarifs étaient attrayants. Personne ne doutait de sa parole et il était aussi bon forgeron qu’efficace messager.

Le plus clair du temps les messages étaient destinés à des chefs de guerre ou des hommes missionnés. Mais cette fois il s’agissait d’une femme et, qui plus est, d’une bien jolie femme. Malgré les cheveux en désordre et les cernes sous les yeux, la lumière naissante du jour la rendait ravissante.
Il s’était éclaircit la voix :
- Bonjour jolie demoiselle.
Malheureusement pour lui cela n’eut pas l’effet escompté.
- Qu’est-ce que tu m’veux ?
Pfff ces brâkmariennes et leur sale caractère. Il étendit rapidement et fermement son bras vers elle, sa main contenait une lettre. Elle reprit :
- Une lettre ? Pour moi ? Mais j’ai rien demandé !
- Ben apparemment on cherche à vous joindre. Alors prenez cette lettre !
Le ‘jolie demoiselle’ était bien loin, désormais il arborait un air agacé et pressé de partir, elle avait abrégé son attente en saisissant la lettre et en fermant aussitôt la porte.
Il avait accomplit sa mission et se remettait en chemin.


La jeune femme était ressortit quelques minutes plus tard l’air inquiet. Elle n’avait pas pris sa monture en partant ce qui expliquait qu’elle rentrait maintenant à pied. On ne peut pas dire qu’elle semblait au mieux de sa forme, elle avait grand besoin d’un bain, les uns évacuent leur chagrin, leur frustration ou leur mal-être dans la nourriture, dans les centres de relaxation en s’enduisant de boue des boos, et les autres, comme elle, marchait, frappait ou s’isolait durant une journée.

Mistika prit une profonde inspiration, expira lentement et ouvrit la porte ornée de l’emblème ‘Nocturne’.
A l’intérieur des Nyctalopes étaient attablés, ils n’étaient même pas tous présents et pourtant on aurait pu jurer que mille homme se tenaient dans cette pièce. Ils riaient, ils mangeaient.
Personne n’avait remarqué la Crâ qui était entrée.

Un plat, au vu des restes, devait avoir servit de contenant à une salade de pissenlit diabolique accompagnée de tranche de porkass séchées, ils en étaient au plat de résistance : pinces de crabe au citron et graine de pavot…bof, ils avaient du faire à manger avec ce qui leur tombait sous la main.
- Tu ne t’assois pas avec nous ? Il en reste un peu…

Depuis son entrée elle était restée plantée là à observer tout le monde, mais maintenant qu’on l’avait vu, elle devait se lancer.
Elle hésita un instant, peut-être devait elle juste s’asseoir à table comme si de rien n’était, feindre une agréable soirée…et avoir à s’excuser un jour de n’avoir rien dit ce soir là. Non, il fallait parler, maintenant.
- J’ai à vous parler.
Merde, elle avait prit un ton grave, ce qu’elle voulait surtout éviter. Maintenant il n’y avait plus un bruit et tout le monde la regardait.
- Je vais devoir m’absenter.
Quelqu’un avait rompu le silence d’un :
- Tu vas où ?
Mais Mistika ne l’avait pas entendu, un tambour cognait contre ses tempes…ah non, il s’agissait de son cœur.
Désormais elle tripotait nerveusement le parchemin qui se trouvait dans sa poche.
- Je ne peux pas vous donner le jour de mon départ pour la simple et bonne raison que je ne le connais pas. Lorsqu’il arrivera, si j’en ai le temps, j’épinglerais un mot dans le registre des absents. Durant les prochains jours je vais faire mes bagages et mettre en ordre mes affaires.

Après tout elle n’était pas obligée de tout leur dire. Raaaah non pas ça, un sanglot était en train de remonter dans sa gorge qui se serrait.
Elle ferme les yeux quelques secondes, s’ordonnant de penser à autre chose.
Elle avança vers la porte derrière laquelle se trouvait l’escalier menant à l’étage supérieur, puis l’ouvrit.
Elle leur tournait le dos.
- Je ne sais pas combien de temps je serais absente.
Elle monta aussitôt sans refermer la porte, car si elle s’était retournée on aurait vu ses larmes.

Mistik@ [Attention !]

Chacun avait arrêté de manger et se regardait maintenant avec un air hébété. Puis tout le monde se remit à parler :
- Bah qu'est-ce que ça veut dire ? C'est quoi ces histoires ? Elle a pas répondu : elle va où ? Elle passe chez l'ennemi ? Elle revient quand ? Elle reviendra au moins ? Elle laisse sa dragodinde, j'peux la prendre ? Une place de protecteur se libère... Bah qu'est ce qui lui prend ? J'peux finir la tranche de Porkass ? ...
Bref, tout le monde se posaient des questions, certains étaient inquiets, d'autres pensifs, certains fixaient leur assiette, d'autres s'étaient levés hésitant à la suivre pour la questionner.
Puis une voix sortit du lot. Une adepte de Sram de pourpre vêtue, s'était levée et s'adressait à tous.
- Du calme vous autres ! Rien ne sert d'élucubrer. Elle nous a dit ce qu'elle devait nous dire. Il faut s'en tenir à ça, et l'accepter. Il semblerait que cela soit assez grave pour qu'elle ne nous en dise pas plus. Respectons sa discrétion. Son âme est liée à Nocturne. Aussi je pense qu'elle reviendra. Sa place est donc toujours parmi nous, même si sa présence devient impalpable. Qu'Hécate guide ses pas, qu'elle accomplisse sont devoir, et qu'elle revienne indemne de sa quête.
A ces mots elle leva sa chope.
- A Mistika !
Elle vida sa bière d'un trait, s'essuya la bouche d'un revers, frappant la table en reposant la chope sur la table ronde en bois massif, se dirigea vers la porte, les yeux brillants.
- J'vais faire un tour. Et claqua la porte derrière elle.

-Pas grand chose a rajouter après tobo.

Il se dirigea vers la sorti en attrapent sa pioche.A son habitude pour se retrouver au calme il alla s'enfoncer dans les sous-terrain du monde des douze

Les deux individus partis, un des Nyctalopes, situé stratégiquement en bout de table, faisait tournoyer la chope de son index. Sa position de laissait aucun doute quand à sa fonction dans la Guilde.

Il se redressa un peu sur sa chaise, alors que les discussions reprenaient, il leva un index pour indiquer qu'il avait quelque chose à dire. En effet, il n'aimait pas devoir couvrir le bruit de sa voix, chose qui, en outre, s'avérait bien souvent être passablement inutile: sa voix ne couvrait, tout simplement, rien. On ne peut rien contre ces choses, si ce n'est s'encrasser les poumons pour compenser.

Les conversations s'arrêtèrent doucement, et les têtes se tournèrent avec un élan de curiosité dans le regard. Si ce n'est pour le chacha sur les genoux de Mizan qui continuait à ronronner comme un bon. L'individu baissa alors le bras

Je souhaite ajouter à cela un petit complément d'information. Mistika n'est pas encore partie. Profitez donc de sa présence restante parmi nous puisqu'elle sera, du moins pour une durée indéterminée, interrompue.

Il y eut un court silence, seulement perturbé par le bruit mécanique du petit animal velu.

Elle nous fera part de ses exigences quant à ses diverses affaires à son départ.

Il prit alors sa chope pour en boire une gorgée, puis regarda ailleurs. Son attitude mettait un point à son intervention.

Encore une fois elle était en retard, ayant passé une bonne partie de la nuit à marcher dans les rues de Brâkmar, elle s’était couchée tard. Mistika s’agitais.

- Personne n’a vu ma hache ?
- Accrochée à ta ceinture… !
- Ah ! Merci…

Elle leva les yeux : la salle à manger était remplie de Nyctalope, normale pour une maison de guilde. Un siège demeurait vide depuis peu…

- Tu vas où ?
- Je vais passer la journée dans la forêt à cueillir des plantes pour faire des potions que je vendrais sur le marché, je voudrais offrir un nouveau collier à Mayli.

Tout en parlant elle préparait son sac en vérifiant que tout était là.

- J’essayerais de ne pas rentrer trop tard.

En ouvrant la porte elle tomba nez à nez avec un type, une lettre à la main. Elle l’avait déjà vu…mais où ?...

- Bonjour Madame ! Il lu avait envoyé cela d’un ton sec, visiblement lui, il ne l’avait pas oubliée.
- Bonjour, voyez avec quelqu’un d’autre pour le courrier moi je suis déjà en retard.

Elle commença à avancer en laissant la porte entre ouverte.

- Je ne suis pas facteur ! Il avait presque crié, il semblait contrarié.

Frappée de stupeur elle se figea, sa bouche s’entrouvrit :

-…v…vous…
- Oui moi.

Il lui posa la lettre dans la main, il souriait, il semblait ravi de provoquer cet effet.
Elle ferma la bouche, avala sa salive.

- Merci…
- C’est plus que je n’en espérais ce merci.
- Oui, j’ai été assez désagréable la dernière fois…
- Bonne journée !
- ça, on verra…

Le messager partit, elle referma la porte de la maison et commença à ouvrir la lettre dehors.
Une fois le parchemin lu et relu elle s’assit un instant.
Elle retourna dans la maison où les Nyctalopes s’apprêtaient à passer à table.
Elle avait moins de tristesse que la dernière fois car elle avait eu le temps de s’y préparer.

Des mois s’étaient passés depuis la dernière lettre de ce genre, elle avait presque fini par oublier que le prochain contact serait annonciateur de son départ.
Cela modifiait ses projets immédiats. Et alors que Lazare venait de céder ses droits à Valkyra durant son absence, elle allait devoir annoncer qu’elle aussi les quittait pour une durée indéterminée, elle n’avait pas le choix.

Elle lança une invitation à son amie Tobo et sa nouvelle meneuse mais néanmoins amie Val, un rendez vous à la taverne de Bwork en fin d’après midi.
Elle voulait leur dire en premier et avait prit toute l’après midi pour réfléchir à la façon de leur dire.
Elle le fit simplement. Des paroles sincères s’échangèrent et un moment agréable fut partagé.

Au dîner, elle l’annonça au reste des troupes.
Elle se leva, ce qui attira l’attention.

- Nyctalopes ! Je vais devoir partir moi aussi.
Nous avons déjà eu cette conversation il y a longtemps, et bien le moment est venu.
Je sais que cela survient à la suite du départ de Lazare mais je ne peux m’y soustraire.
Tobo et Val connaissent les détails de ce départ, vous n’avez pas besoin d’en savoir plus.
Bon appétit !

- Je l'avais déjà fait il y a quelques mois. Je le fais de nouveau !

Tobotocosh leva sa chope qui débordait de bière.

- Longue vie à toi Mistika. Et que Brumaire guide tes pas jusqu'à ce que tu nous reviennes. Car crois moi, ici, personne ne t'oubliera le temps de ton absence. A chaque fois que je devrai trancher, je penserai à toi, et nos amis Nyctalopes également. Prends le temps de préparer tes affaires sereinement, et pars sans crainte. Valkyra et moi, nous chargeons du reste.

A ces mots, elle but d'un trait son breuvage, et se mit à dévorer goulûment une bonne grosse cuisse de poolay, comme si de rien n'était. Malgré tout, preuve en est qu'elle était émue par sa voracité : les émotions, ça creuse.